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jeudi 18 août 2011

"Un homme et son péché", Voir, 18 janvier 2007

Avec Sur la trace d'Igor Rizzi, Noël Mitrani pose les bases d'une carrière prometteuse qui ne saurait souffrir aucun compromis. Entre orgueil et sincérité.

Dans le blogue qui loge sur le site officiel de Sur la trace d'Igor Rizzi, on peut trouver cette captivante citation de Frank Capra: "Il n'y a pas de règles en matière de création cinématographique, que des péchés." Saisissant au bond le mot du créateur de Mr. Smith Goes to Washington, on est tenté, d'entrée de jeu, de demander à Noël Mitrani quel(s) péché(s) il a commis en tournant son premier long métrage... "Faire un film personnel, c'est déjà commettre une série de péchés. Le premier, c'est le péché d'orgueil, c'est-à-dire raconter des choses qui sont intimes, répond le cinéaste. Cela va souvent à l'encontre des règles commerciales. Quand on évolue dans le milieu du cinéma, on passe son temps à devoir se justifier de tout, poursuit Mitrani. Je comprends qu'il y ait tant de gens qui abandonnent le cinéma d'auteur pour le cinéma commercial. C'est plus reposant."

On emploie le (vilain) mot orgueil, mais on pourrait aussi dire qu'Igor Rizzi participe de la vision d'un jeune artiste cherchant à s'exprimer tout en restant intègre face aux contraintes extérieures. "Je pense qu'à partir du moment où on se pose la question de l'intégrité, c'est qu'on a déjà cessé de l'être, dit Noël Mitrani. En fait, la question qu'il faut se poser, c'est celle de la sincérité. Suis-je en harmonie avec mes sentiments personnels? Et c'est vrai que le milieu du cinéma est compliqué, parce que c'est l'art le plus coûteux qui soit; aussi, on a toujours un peu cette tendance à vouloir courtiser ceux qui nous financent. C'est une forme de prostitution. J'essaie de travailler contre ça."

MON PAYS, C'EST L'HIVER

Projet développé avec un budget minceur, Sur la trace d'Igor Rizzi a été écrit, réalisé et produit par Noël Mitrani. Le récit met en scène les tribulations de Jean-Marc Thomas (excellent Laurent Lucas), un ex-footballeur vedette venu au Québec chasser le souvenir d'un amour perdu.

Malgré son propos assez sombre, Igor Rizzi est traversé par de subtils traits humoristiques, et ses protagonistes, bien que vivant de petits boulots sales, ne sont pas foncièrement mauvais. "Comme je le dis souvent, c'est un film dramatique, mais pas dramatisant, explique Mitrani. Le personnage de Jean-Marc ne se prend pas au sérieux. Il y a une certaine innocence dans son attitude. En voix off, il s'autocritique. C'est très important pour moi. J'avais envie de faire un film qui montre que le début du progrès, dans l'existence, passe par les reproches à soi-même."

Le film "habite" un Montréal vêtu de ses plus purs habits hivernaux: la neige, omniprésente, joue un rôle de soutien non négligeable. "La neige correspond à mon fantasme par rapport au Québec - lequel tient à ma double culture, entre le Québec et la France, explique Noël Mitrani. En m'installant ici, j'ai voulu la filmer. La neige, c'est l'identité québécoise par excellence. Je dirais aussi que c'est le meilleur chef déco qui existe. C'est capricieux, parce que parfois ça ne vient pas à l'heure. Mais il n'y a jamais de faute de goût avec la neige."

Montréal apparaît également sous des dehors presque plus grands que nature. Le pont Jacques-Cartier et ses environs, les terrains vagues qu'on trouve çà et là dans la métropole, des espaces ouverts où la solitude est seule locataire et qui renvoient à une certaine idée du Far West, confie Noël Mitrani. Celui-ci avoue d'ailleurs s'être inspiré de Sergio Leone: "J'ai notamment repris à son langage le plan large."

Ces images qui en imposent sont rendues dans toute la splendeur du 35 mm. Selon le réalisateur, il n'était pas question d'utiliser un autre format. Pas un choix, donc, mais une nécessité. "C'est le fondement de mon travail, affirme-t-il. Je peux jurer que si on me donnait 5 millions de dollars pour faire un film en vidéo, je ne le tournerais pas. Ce n'est pas vrai que le numérique, c'est le cinéma à la portée de tous. Qu'on ait un stylo bille ou une plume, ça ne change rien. Ce qui compte, c'est ce qu'on a à dire", conclut Noël Mitrani. On restera à l'écoute...

Par Michel Defoy

http://www.voir.ca/publishing/article.aspx?zone=1&section=7&article=45526

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